Dans le concert hallucinant des autres voix européennes, Alexander de Croo pense être légitime pour condamner tranquillement ses concitoyens à subir toujours plus violemment une crise climatique et environnementale.
Faire de la politique, c’est souvent devoir faire attention à ce qu’on dit, ce qu’on écrit. Je revendique aussi le droit d’être en colère, d’être pleinement dépassé par ses émotions parce que l’engagement que nous avons pris il naît dans le ventre, dans les tripes. Il naît sous les larmes et dans la rage.
Je suis furieuse de voir une fois de plus le cynisme qui habite certains de ceux qui ont été élus pour assurer l’avenir. Dire qu’il faut ralentir la lutte pour la préservation de la bio-diversité, c’est au mieux la preuve d’une grande bêtise et d’une incompréhension totale de ce sur quoi nous tirons la sonnette d’alarme depuis 50 ans, et au pire un mépris terrible pour les personnes qui sont aujourd’hui déjà confrontées à une vie moins bonne et pour les personnes à venir qui n’auront plus de quoi rêver.
En écrivant ces lignes je pense avec honte aux 39 personnes décédées en juillet 2021 dans les inondations en Wallonie. Que faut-il dire à leurs familles ?
Que leur vie a peu de valeur face à certains intérêts économiques? Invitée avec Saskia Bricmont hier matin à un débat politique à la FEB, je n’ai pu que constater, une fois de plus, la déconnexion totale des très (très) gros acteurs face au mur climatique et environnemental qui est devant nous.
Voici le titre du communiqué de presse qu’ils ont écrit à la suite de la rencontre : « Huit accords commerciaux internationaux sont en attente de ratification par l’ensemble des parlements belges ! Une mauvaise image pour la Belgique qui présidera le Conseil de l’UE l’année prochaine. Pour les organisations patronales, cette situation ne peut plus perdurer. La Belgique doit absolument passer à la vitesse supérieure en matière de politique commerciale si elle veut que sa compétitivité ne soit pas mise à mal. Car le commerce est vital pour une petite économie ouverte comme la Belgique. »
Pas un seul mot sur les risques et les coûts que le dérèglement climatique fait peser sur les entreprises, sur l’économie globale et sur les travailleurs. Pas un mot sur la nécessité de réguler pour soutenir les entreprises qui ont déjà fait le choix de réorienter leurs activités ou de les transformer. Si l’on suit la droite et le (grand) patronat, il faut voter ces accords, à tout prix, sans critères environnementaux, sociaux, ou démocratiques. Je ne peux pas voir autre chose que de l’incompétence dans cette lecture si erronée du monde et des défis qui sont déjà là. On m’avait pourtant dit que tout était plus efficace dans le privé, que les décisions étaient plus raisonnables et que là au moins il y avait une vraie gestion des risques. A nouveau, nous sommes face au mieux à de l’incompétence, au pire à du mépris. Du mépris cette fois pour les entreprises, les créatrices, les entrepreneuses, les PME qui modifient leurs chaînes d’approvisionnement, qui réfléchissent à leur impact dans la société, qui changent leur management. Celles-là et ceux-là ont bien compris que si ils voulaient continuer à faire du business, il faudrait bien changer. Nous devons les soutenir, nous devons les aider à transitionner, et c’est exactement ce que fait Barbara Trachte à Bruxelles.
La colère doit nous faire avancer, et j’en profite alors aujourd’hui pour mettre le focus sur une décision passée quasi inaperçue il y a déjà deux semaines : grâce au travail des écologistes, le gouvernement bruxellois a adopté le Plan Air Climat Energie d’ Alain Maron. En cohérence avec les mesures issues du Green Deal européen, cette feuille de route a un objectif clair : libérer Bruxelles de sa dépendance aux énergies fossiles.
Ce plan, c’est du très concret pour Bruxelles puisqu’on parle ici de la fin des passoires énergétique, de la décarbonation de la mobilité, de la rénovation des biens publics, de l’augmentation de la production d’énergie propre, de la réorientation des outils économiques pour soutenir la transition, et de bien plus encore.
Ce plan, il se veut aussi juste et solidaire afin que la transition ne laisse personne sur le carreau. Nous le mettrons en place avec les mamans solo, avec les familles qui ont du mal à boucler leurs fins de mois, avec les personnes âgées précarisées. A Bruxelles, 38,8 % de la population présente un risque de pauvreté, c’est colossal. Matériellement, ça passera par des primes, des prêts à taux zéro et un accompagnement pour permettre aux (co)-propriétaires avec le moins de moyen de mener les travaux nécessaires, par l’élimination des 35 % de passoires énergétiques afin d’améliorer la vulnérabilité des locataires aux fluctuations importantes du prix de leurs factures d’énergie, …
Et puis surtout, ce plan il est transversal (oui oui Monsieur le Premier-Ministre, la transition ne concerne pas seulement le CO2) et concerne toutes les politiques publiques et tous les membres du Gouvernement. Bruxelles va notamment améliorer sa résilience face aux impacts inévitables du dérèglement climatique : en débétonnant pour remettre de la nature en ville, pour permettre une meilleure perméabilité des sols face au risque d’inondations, et pour protéger les bruxellois.es des vagues de chaleur à répétition depuis quelques années.
« Pas d’écologie sans les écologistes », cette phrase que nous répétons souvent et que nous voudrions croire dépassée, c’est celle qui exprime le mieux la bataille acharnée que nous devons mener pour chaque toute petite avancée climatique ou environnementale. On aimerait faire plus, faire plus vite, faire plus fort. Que cette phrase d’Alexander De Croo puisse rappeler à chacune et chacun le contexte dans lequel nous travaillons, – et notamment Zakia Khattabi – et le ton des négociations que nous devons gagner. Merci et profond respect à nos mandataires dans les exécutifs communaux, régionaux, communautaires et fédéraux pour leurs luttes quotidiennes.