Interview complet – 11 février 2023 :

À un an d’une année électorale pour l’ensemble des niveaux de pouvoirs, La Capitale lance, ce samedi, une série avec les présidents régionaux des principaux partis politiques francophones en région bruxelloise. Pour commencer : Marie Lecocq (Ecolo).

L’histoire a déjà montré qu’Ecolo a tendance à gagner une élection et à perdre la suivante. Pour 2024, où les scrutins à tous les niveaux de pouvoirs vont avoir lieu, Ecolo espère casser cette spirale. « On prend au sérieux cette question-là. C’est clair qu’il peut y avoir une crainte à certains moments que les choses se répètent. Mais je constate qu’on a des militants, des sections locales et une régionale super organisés. Nos militants sont prêts et font déjà du porte-à-porte », avance Marie Lecocq.

Pour les listes bruxelloises à la Région et au fédéral, les têtes de listes ne sont pas encore désignées et plusieurs noms pourraient prétendre à la première place : Zakia Khattabi, Alain Maron, Barbara Trachte, Rajae Maouane… « On a la chance d’avoir plein de candidats potentiels. C’est confortable de pouvoir faire ce choix.

Sans la NVA

Récemment, le ministre-président Rudi Vervoort (PS) a évoqué qu’il n’était pas opposé à gouverner avec N-VA à Bruxelles. Chez Ecolo, la position est différente. « Pour nous, cela reste très clair. La N-VA est un parti qui continue d’avoir des positions qui ne sont pas compatibles avec nos valeurs. Ils sont profondément opposés à nous sur les questions climatiques et sociales, sans parler des questions migratoires et d’ouverture de la société. La question n’est pas compliquée pour nous. Nous ne serons pas en majorité avec la N-VA au niveau bruxellois », clame Marie Lecocq.

Et être en majorité avec le MR, cela pourrait être possible quand on sait que le président Georges-Louis Bouchez tacle souvent les co-présidents nationaux d’Ecolo sur les réseaux sociaux ? « Le MR bruxellois va devoir faire un choix. Est-ce qu’il fait la course à l’extrême droite comme le fait Georges-Louis Bouchez ? Est-ce qu’il remet en question le cordon sanitaire comme Georges-Louis Bouchez ? Est-ce qu’il décide d’attaquer la presse comme Georges-Louis Bouchez ? C’est au MR bruxellois de se positionner. Nous, nos valeurs sont claires, nous savons vers où nous allons », conclut Marie Lecocq.

Pour Ecolo, quels seront les grands thèmes de campagne en 2024 en région bruxelloise ?

La question qui se pose est : comment est ce qu’on peut toutes et tous vivre dans cette ville avec un changement climatique qui commence à s’imposer à nous de manière plus radicale et injuste ? Le projet politique d’Ecolo à Bruxelles, c’est d’éviter que nous soyons dans une région à deux vitesses avec des gens qui auraient la capacité de survivre plus que d’autres. Nous voulons vraiment être dans l’écologie du quotidien pour tous, qui s’adresse à tout le monde et qui permet à chacun de se sentir en sécurité en ville, quel que soit son genre, son orientation sexuelle, sa capacité financière, son niveau d’étude, son parcours migratoire… Notre projet est un projet de ville qui est inclusif. Cela passe aussi par la qualité de vie avec ce qu’on voit quand on sort de chez soi et comment on se sent quand on sort de chez soi. C’est important de mettre l’accent sur une ville apaisée. Depuis 2019, il y a tout ce qu’on met en place au gouvernement bruxellois avec un projet de réorientation de l’économie bruxelloise vers une économie qui permet de regarder vers demain avec de l’espoir.

On a beaucoup parlé de Good Move. Certains ont déjà enterré le projet. Pour vous, Good Move a encore du sens ?

Le projet d’avoir une ville apaisée dans laquelle les enfants peuvent vivre en sécurité et rentrer de l’école sans avoir peur, dans laquelle les personnes porteuses d’un handicap peuvent se déplacer facilement, dans laquelle les personnes, qui ont besoin d’utiliser une voiture, peuvent le faire sans être bloquées dans les embouteillages et une ville dans laquelle les transports en commun ont une place prépondérante. Je pense que plus personne n’ose remettre ça en question. Par contre, le choix politique que l’on doit faire, c’est la priorisation des investissements. Et là, le programme d’Ecolo met la priorité sur la mobilité de surface qui est la plus efficace. La Région bruxelloise va faire face à de grands défis financiers. On doit avoir des projets politiques qui font attention à ça et qui sont réalistes. On ne peut pas se permettre de faire des propositions politiques qui sont impayables et infinançables pour la Région.

Vous pensez au métro ?

Je pense que la question va devoir se poser pour le métro. Si on souhaite continuer à le poursuivre, il faudra un financement extérieur à la Région. La Région seule ne peut pas prendre ça en charge. Il faut pouvoir investir dans le reste. Dans les infrastructures, qui sont existantes, mais aussi dans une mobilité différente, qu’elle soit cycliste ou piétonne. Chaque espace qu’on apaise, c’est un espace de vie qui est gagné. Quand on enlève une place de parking, on ne le fait pas par plaisir. C’est parce que sur cet espace, il y a moyen de faire mieux collectivement.

Ecolo parle souvent de participation citoyenne. Elle n’a pas bien fonctionné avec Good Move. Est-ce qu’il faut revoir sa copie   ?

Sans aucun doute. Il est clair qu’on peut faire mieux en participation. C’est compliqué de mener des processus participatifs qui sont vraiment représentatifs. Pour moi, c’est une question de société, de donner du temps aux gens de participer et de s’intéresser à ce qui se passe autour de chez eux.

Pour vous, la taxe kilométrique est toujours d’actualité ?

Ce sera certainement des discussions pour le prochain gouvernement et un élément sur lequel tous les partis vont devoir se positionner. La nécessité de réformer notre fiscalité automobile est là. Personne ne la remet en question. On ne va pas pouvoir continuer à investir pour le bien-être des Bruxellois, mais aussi pour la transition verte, si on n’a pas une réflexion sur les sources de financement de Bruxelles. Si on n’arrive pas dans un système où, in fine, ce n’est pas Bruxelles qui paie pour tous les autres utilisateurs. Il y a véritablement une question d’autonomie bruxelloise. SmartMove est une forme de fiscalité parmi d’autres. On doit se mettre autour de la table pour trouver des solutions. Je regrette qu’on n’en discute plus. On ne pourra pas faire l’impasse dessus en 2024. Après, est-ce que cela s’appellera toujours SmartMove ou est ce que cela aura un autre nom ou une autre forme, c’est possible. Il faut être clair sur l’horizon et on peut être flexible sur le chemin.

Quid de la concertation avec les deux autres Régions. Pensez-vous que Bruxelles peut avancer seule sur le dossier ?

C’est une réflexion juridique. Il y a eu un avis du conseil d’État. Juridiquement, il semble que Bruxelles peut avancer. Et je pense qu’on ne doit pas passer à côté de cette possibilité. Il subsiste des décisions politiques. Mais dès lors que Bruxelles est très claire sur son objectif, il ne tient qu’aux autres régions de s’adapter à ce changement et de proposer un système qui soit juste pour leurs citoyens. Mais on ne va pas pouvoir attendre indéfiniment. Au-delà de la question financière, le trafic automobile à Bruxelles, c’est aussi un élément qui impacte la qualité de l’air et la santé des Bruxellois. Je suis étonnée que cela ne pose pas de problème aux autres partis.

Un des grands débats de la législature a été le texte sur l’abattage rituel. Vous avez voté contre. Pour quelles raisons ?

Je trouvais qu’il y avait un problème d’instrumentalisation du débat. Mon vote aurait pu être différent si cette proposition était portée dans le cadre du code du bien-être animal qu’on attend toujours du ministre Clerfayt. Dans ce cas, on aurait vraiment posé la question du bien-être animal. Ici, la manière dont cela a été géré résultait dans une stigmatisation de toute une partie des Bruxellois. Et là, je pense que personne ne gagne, ni le bien-être animal, ni la société dans son ensemble. On doit être extrêmement attentif à ça. Des éléments aussi intimes et fondamentaux que l’assiette et la nourriture, ce sont des choses avec lesquelles on ne travaille pas à la légère. On aurait pu faire autrement.

François De Smet, président de DéFI, a déjà annoncé en faire un sujet de campagne en 2024. Pensez-vous que cela peut devenir LE sujet de la campagne ?

C’est une excellente question. Je pense qu’on va de plus en plus se retrouver avec des questions de type référendum c’est-à-dire on peut être soit pour, soit contre. C’est parfois des questions qui sont difficiles pour nous parce qu’on a tendance à avoir une appréciation des choses très nuancée. Je ne sais pas avec quoi DéFI compte encore stigmatiser des populations entières à Bruxelles. Si c’est là dessus, nous verrons et nous réagirons.

Pourquoi Ecolo bloque la réalisation des PAD, dont notamment celui de Josaphat ?

On reste focalisé sur ceux qui bloquent mais en fait, il y en a plein qui avancent. La question qui est posée est : comment on utilise l’espace en ville ? Sur Josaphat, le projet sur la table ne nous permettait pas selon nous d’arriver à un bon équilibre entre la nécessité d’avoir un logement à un prix abordable et la nécessité d’avoir un espace de respiration, un espace vert, un espace où l’eau peut s’écouler et qui n’est pas bétonné. Nous pensons qu’il y a plusieurs fonctions dans une ville. On doit pouvoir retrouver autre chose que juste des habitations. Dans ce cadre-ci, on a l’impression que les autres partis se focalisent sur la création de nouveaux logements. C’est quelque chose qui prend énormément de temps, qui est coûteux et qui bétonne de nouvelles surfaces. Nous, on pense qu’il y a surtout un travail de rénovation et d’isolation des bâtiments qui doit pouvoir être fait. La création de nouveaux logements est un moyen mais ce n’est pas le seul pour augmenter le nombre de logements de bonne qualité à un loyer ou un prix d’achat correct.

L’interview original est disponible ici.