La situation des travailleur.euse.s sans papiers continue de nous interpeller. Ces travailleur.euse.s invisibles sont présent.e.s dans de nombreux secteurs de notre économie régionale, l’horeca, la construction, l’aide aux personnes… Il.elle.s contribuent activement à la vie socio-économique de notre Région, mais le statut de leur séjour les maintient dans une grande précarité et les expose à l’exploitation économique et aux abus des employeurs. Salaires indécents, horaires démesurés, sans aucun jour de congé, absence de protection contre les accidents du travail, menaces et chantage… Les droits de ces travailleur.eurse.s sont trop souvent bafoués, et d’un point de vue collectif, cela alimente le dumping social, qui tire vers le bas les conditions de travail de tou.te.s les travailleur.euse.s des secteurs concernés.

Qui plus est, la vulnérabilité engendrée par l’irrégularité de leur statut dissuade les travailleur.euse.s sans papiers victimes d’exploitation de porter plainte. Par peur d’être arrêté.e.s et obligé.e.s de quitter le territoire, il.elle.s se taisent. Les abus restent non-dénoncés, impunis et perdurent.

La problématique de l’emploi de travailleur.euse.s illégaux non-déclaré.e.s n’est pas spécifique à Bruxelles ou à la Belgique. Pour s’attaquer à cette question, la directive européenne dite « Directive Sanctions », promulguée en juin 2009, prévoit des normes minimales concernant les sanctions et les mesures prises à l’encontre des employeurs de ressortissant.e.s de pays tiers en séjour irrégulier1. L’objectif général de cette directive est de sanctionner les employeurs qui occupent des travailleur.euse.s étranger.ère.s en séjour irrégulier, mais les dispositions du texte traitent également de la facilitation de l’accès à la justice pour ces travailleur.euse.s employé.e.s illégalement et victimes d’abus (art.13).

En droit belge, cette directive sanction a été transposée dans la loi du 11 février 20132. Le chapitre 4 de cette loi donne la possibilité aux travailleur.euse.s sans papiers qui travaillent de manière irrégulière de pouvoir porter plaine contre des patrons abuseurs. Mais en la matière, la transposition de la directive européenne n’a été que partielle. En effet, l’alinéa 4 de l’article 13 de la directive européenne semble être passé à la trappe. En substance, cet alinéa enjoint aux Etats membres de prévoir la délivrance d’un titre de séjour provisoire pour les travailleur.euse.s en séjour irrégulier et/ou précaire (en procédure d’asile, en regroupement familial, ayant un accès limité au marché du travail…) qui portent plainte contre leur employeur, et ce afin de leur permettre de suivre la procédure judiciaire engagée. Cela signifie qu’aujourd’hui, en Belgique, aucune disposition légale ne permet aux travailleu.ses.rs d’être protégé.e.s et autorisé.e.s à rester sur le territoire le temps de la procédure.

Au-delà des enjeux individuels, c’est tout un pan de notre droit du travail qui dès lors n’est pas appliqué. Une réelle volonté d’appliquer le droit du travail de façon correcte et non-discriminante impliquerait nécessairement d’octroyer un titre de séjour aux victimes présumées d’infraction grave du droit du travail couvrant la durée des procédures judiciaires.

L’octroi d’un titre de séjour, relève des compétences fédérales, j’en conviens. Néanmoins, l’emploi et la protection des travailleur.euse.s est une prérogative régionale.

Mes questions sont donc les suivantes:

  • Quelles dispositions juridiques sont actuellement envisagées afin d’assurer la transposition complète de la Directive Sanctions et donc d’instaurer des mécanismes de protection pour les travailleur.euse.s en séjour irrégulier qui portent plainte pour exploitation?
  • Quelle articulation avec le niveau fédéral vous semble nécessaire pour assurer cette transposition complète de la directive Sanctions?
  • Avez-vous déjà pu avoir un contact avec les nouvelles autorités fédérales à ce sujet, ou plus largement au sujet de l’octroi de permis de travail aux travailleur.euse.s sans papiers?
  • Existe-t-il un guichet au sein de l’Inspection Régionale de l’Emploi (IRE) auprès duquel les personnes sans papiers victimes d’abus peuvent s’adresser pour porter plainte sans craindre pour leur sécurité? Quelles mécanismes, procédures, ou garanties sont assurées par l’IRE afin de protéger les plaignant.e.s sans papier pendant et suite à la procédure de plainte?
  • Si un tel guichet n’existe pas, est-il prévu d’en mettre un en place?

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